Petit guide de Josée Yvon
PETIT-GUIDE-2micro_bord

LA FÉE DES ÉTOILES

Josée Yvon naît à Montréal le 31 mars 1950. Après des études en lettres et en théâtre, elle sera tour à tour barmaid, régisseuse-élairagiste, enseignante de littérature, traductrice à la pige, mais surtout écrivaine et critique. Elle signera onze titres et publiera poèmes et critiques dans de nombreuses revues. Atteinte du sida, elle meurt le 12 juin 1994.

Collant images, vers et prose en de singuliers amalgames, qui tiennent autant du documentaire que de la poésie et de la fiction, son œuvre reconnaissable à sa langue riche et crue fait aujourd’hui l’objet de multiples réécritures, adaptations et citations.

Les cinq livres de Josée Yvon chez Les Herbes rouges

Longtemps épuisés, les cinq livres de fiction de Josée Yvon sont désormais tous réédités chez Les Herbes rouges.

Pour Josée Yvon, la mise en forme du texte, tout comme l’inclusion d’images dans ses livres, étaient fondamentales. La réédition demandait donc un soin particulier. Les images ont été restaurées à partir des documents d’archives, ou récupérées auprès de la photographe de guerre Susan Meiselas, à qui Yvon a emprunté plusieurs photos de la série Carnival Strippers. Quant aux textes et à la mise en page, ils ont été restitués d’après les manuscrits de l’autrice.

manuscrit

Travesties-Kamikaze

« Francine pensait à toutes ses amies : les crosseuses, les tuées, les abusées, les stupides, les merveilleuses. »

Les fragments de récits, de poèmes, les collages qui composent Travesties-kamikaze en font un objet chargé, dégénéré et puissant. La réalité apparaît en gros plan, en morceaux; le fil des événements se dissout dans la nuit et dans l’alcool, dans les viols et les coups de couteau, les drogues et les médicaments.

Pour Francine, Gina, Brigitte, Jasmine, la narration furieuse et imagée de Josée Yvon se fait antre, lieu percé de « trous dans le plâtre qui s’effrite, mais confortable, chaud, bizarre, attirant, peut-être une famille ».

« On dirait que Travesties-kamikaze a été écrit aujourd’hui, pas il y a 40 ans. Il y a chez elle une critique assez féroce d’un féminisme bourgeois, une volonté de mettre en vedette les exclues (travailleuses du sexe, droguées, travestis, personnes trans), une illustration crue des violences faites aux femmes et de l’exploitation des pauvres, un refus de la vie pépère et des institutions, une fusion totale du corps et de l’écriture ainsi qu’un mélange constant de l’identité de genre dans la narration. »
— Chantal Guy, La Presse

Travesties-Kamikaze
roman, 152 p., 18,95 $
avec des photos et collages de l’autrice
couverture : Susan Meiselas

Danseuses-Mamelouk

Prostituée armée dans les toilettes d’une chambre de motel. Miroirs léchés. Vaginoplastie juste au bon moment « pour se cacher ailleurs qu’au cimetière ou en prison ». Party BDSM. Viol d’un adolescent. Manucure. Drogue mortelle.

Abîmées et vengeresses, les «fées mal tournées» rendent les coups. Dans la rue, au bar, à l’hôpital, à la shop de tatouage, elles rassemblent leurs voix discordantes pour devenir inévitables, pour déranger l’ordre qui les gruge.

«Nous docteurs, sorcières et assassines, nous voulons répandre la conscience / comme une malaria fiévreuse et addictive.» Au cœur de Danseuses-mamelouk, Josée Yvon réunit sa milice : trois textes, masses composites de vers et de bouts de récits, cris de guerre, dédales de sens, affection féroce, «une grosse étreinte dans page».

« Personne ne peut abuser d’elle, c’est déjà fait. »

Danseuses-Mamelouk
récit, 152 p. 18,95 $
avec des photos de Susan Meiselas
ainsi que des photos et collages de l’autrice
préface de Carole David
couverture : Susan Meiselas

Maîtresses-Cherokees

Une danse désordonnée entre passé et présent, dans une Amérique qui court des plaines glaciales de la Baie-James jusqu’à Chicago.

Elles sont « quelques-unes, une petite gang pas homogène ». Leur singularité est irréductible. La narratrice de ce texte mangé d’images, mi-récit mi-poème, s’attache à l’une puis à l’autre, s’éclipse à la sortie de prison. Les « lesbiennes-hobos » se liguent et se quittent, se blessent puis se ramassent, et si elles ont un but, ce ne peut être que de « fucker l’organisme entier ».

« On met-tu tout le monde sur la panique ? »

Maîtresses-Cherokee
récit, 136 p., 20,95 $
avec photos et collages par l’autrice
couverture : Josée Yvon, photo de Guy L’Heureux

Les laides otages

« Elles sont la vraie société, aussi pire, aussi malade, aussi vulnérable. »

Nombreuses sont les otages rassemblées en ce lieu – une prison, un hôpital, un bordel ?

Sous le regard attendri et cruel de « la boss », les otages font l’amour et la fête, accouchent et s’entretuent. L’alcool arrosant les pilules, chacune contemple ses blessures.

La vie était dure dehors ; elle ne l’est pas moins dans cet étrange aquarium. Or « ici au moins, pensait Kâlisse, les lucioles du rire passaient parfois ».

Les laides otages — extrait, photo de Susan Meiselas

Les laides otages
roman, 184 p., 24,95 $
avec des photos de Susan Meiselas
couverture : Laurence Philomène

« Cette sensibilité très particulière, ce mélange vraiment savant de cruauté et de tendresse qu’a Josée Yvon envers ses personnages, étrangement, ça nous les fait aimer. Ça nous fait leur donner une place dans le monde, à ces criminelles, à ces femmes qui décident de se venger de leur agresseur, à ces personnages qui sont dans une pauvreté terrible, que la société agresse. On a envie de les prendre dans nos bras. »
— Kevin Lambert, Plus on est de fous, plus on lit !

La cobaye

Fugueuses, toxicomanes, ex-mercenaires : elles se sont échouées ici, à Beeville, « cette vallée de filles piégées » où même la nature défaille.

La cobaye est le dernier livre de Josée Yvon. On y rencontre aussi une intrigante poète, peut-être un alter ego de l’autrice? Captivée par quatre femmes qui vivent dans la rue en bas de chez elle, elle souhaite écrire sur ces perdues qui, sitôt invitées à prendre un café, envahissent son appartement, s’y installent pour l’hiver, revendent son Mac, liquident ses meubles et enfin la tuent « tout simplement ».

« Il faut toujours le vivre et l’écrire comme si on allait mourir exactement. »

Les laides otages
roman, 184 p., 24,95 $
avec des photos de Susan Meiselas
couverture : Laurence Philomène

« La fée-marraine perverse de chaque écrivain·e queer
au Québec »
— Kevin Lambert
«une littérature du crachat, entre la catharsis et le syndrome de la Tourette »
— Catherine Lalonde, Liberté

« Je suis une revendication quand je manque de gaz. »