Les Herbes rouges, semeuses de trouble
Les Herbes rouges sont une maison d’édition indépendante dirigée par Roxane Desjardins. Elles publient de la poésie, de la fiction, du théâtre et des essais.
Depuis leur fondation en 1968, Les Herbes rouges ont marqué l’histoire littéraire du Québec avec des livres qui bouleversent les idées reçues et qui secouent les idéaux esthétiques et politiques. Au centre du projet : un travail du texte sensible et minutieux qui permet d’explorer les frontières comme les points de contact entre le langage et l’expérience.
Vives, flexibles et curieuses, Les Herbes rouges s’aventurent là où on ne les attend pas.

Historique
Les Herbes rouges sont fondées par les frères François et Marcel Hébert. Cancres à l’école, issus d’un milieu ouvrier où la lecture n’est pas encouragée, ils développent néanmoins un fort appétit pour les livres. Au milieu des années 1960, à Montréal, ils lisent tout ce qui se publie en poésie au Québec, sans tout à fait s’y reconnaître. L’intuition qui guide les éditeurs est qu’un nouvel organe de publication est ce qu’il faut pour dynamiser la poésie québécoise. C’est sous la forme d’une revue littéraire que les herbes rouges font leur apparition à l’automne 1968. Le premier numéro annonce sobrement : «Tous les auteurs publiés dans ce numéro sont connus, à l’exception des directeurs. Nous espérons pouvoir publier des inconnus dans les prochains numéros. Nous invitons les lecteurs à nous envoyer des textes.» Pari tenu : bien vite, la revue se remplit de textes originaux, éclatants ou étranges, proposés par les «inconnu·es» qu’ils espéraient.

Dès 1972, les numéros sont souvent signés par une seule personne : ce sont les «numéros d’auteur» qui feront bientôt la marque de la revue. Marcel Hébert lui-même donne le coup d’envoi avec le singulier Sauterelle dans jouet (№ 5), rapidement rejoint par les Roger Des Roches, Lucien Francoeur, André Roy, François Charron… Déjà, le bouillonnement créatif est évident : formalistes, marxistes, féministes, lecteurices de Barthes, de Bataille et de Derrida, amoureux·ses du surréalisme, trouble-fêtes associé·es à la contre-culture valent à la revue une réputation explosive. D’abord consacrées à la poésie, les herbes rouges s’ouvrent progressivement aux genres de l’essai, du récit, du roman et du théâtre.
En parallèle, les frères Hébert s’aventurent dans l’édition de livres. En 1974, ils créent la collection de poésie «Lecture en vélocipède» (nom emprunté au titre du recueil d’Huguette Gaulin) aux Éditions de l’Aurore. La collection comptera 18 titres, en majorité d’auteurices qui collaborent à la revue.
En 1979 paraît le premier titre officiel de la maison d’édition Les Herbes rouges, Une voix pour Odile de France Théoret. C’est là que se poursuit la collection «Lecture en vélocipède», qui s’élargit dès lors aux autres genres littéraires. La revue continue d’évoluer aux côtés de la maison d’édition jusqu’au numéro 202, paru en 1993. Tous les numéros de la revue ont été numérisés par BAnQ et peuvent être consultés en ligne.
Les Herbes rouges s’engagent à accompagner leurs auteurices tout au long de leur parcours et d’un genre littéraire à l’autre. Ainsi, les œuvres se poursuivent et s’enrichissent au fil des ans, et la maison continue d’accueillir de nouvelles voix, dont plusieurs issues de groupes marginalisés, notamment LGBTQ. Quand, à l’automne 1988, Les Herbes rouges célèbrent leurs vingt ans, la revue Lettres québécoises publie dans deux numéros successifs de longues entrevues avec des auteurices et avec les deux éditeurs, un signe que la maison est en train de s’installer durablement dans le paysage littéraire.


Les décennies suivantes voient le même fourmillement esthétique se conjuguer à une structure de plus en plus stable, bien que toujours modeste. La mission littéraire reste le cœur et la seule raison d’être de la maison.
Depuis 1985, les couvertures sont élaborées à partir de la même maquette résolument contre la préciosité, en Helvetica haut de casse. C’est une esthétique qui fera sa marque. Encore aujourd’hui cette ligne graphique est toujours présente; modernisée, mais reconnaissable, et faisant dialoguer étroitement les textes avec le travail d’artistes visuel·les complices.
Après la mort de Marcel Hébert en 2007, François Hébert demeure seul à la barre de la maison. En 2016, après presque 50 ans de carrière, il invite l’écrivaine Roxane Desjardins à le rejoindre en vue de lui passer le flambeau. Leur étroite collaboration, où la transmission des savoirs se conjugue à un renouvellement des pratiques, durera cinq ans. Roxane Desjardins prend la direction générale de la maison au début du printemps 2021. François Hébert décède en décembre de la même année, alors qu’on prépare la publication en un volume de l’œuvre complète de son frère Marcel, Sauterelle dans jouet.

Les Herbes rouges sont aujourd’hui animées par une équipe de quatre personnes et comptent un catalogue de plus de 600 titres de plus de 160 auteurices, qui s’enrichit d’environ 8 titres chaque année.

